Paske !

Archives de janvier, 2021

Petits trafics sous influence

Qui peut dire à quels moments de notre vie, on est vraiment dans notre état normal ?
Et, question subsidiaire, si c’est dans ces moments-là, qu’on peut prétendre être soi-même ?
Si c’est plutôt le reste du temps ?
Ou bien si c’est au cours de tous ces états par lesquels on passe, qui se succèdent les uns aux autres, pour former une suite complexe, pas forcément ordonnée ni cohérente ?

Chacun répondra à ces questions s’il en a envie et comme ça l’arrange.
Et c’est justement pour ça que moi, je vais m’en abstenir.
Pour préférer disserter sur certains états particuliers de conscience, qu’il nous arrive à tous d’expérimenter un jour ou l’autre.

Quand par exemple, on se trouve sous l’emprise de certaines substances, licites ou pas. Entraîné dans des délires qui trouvent leur origine et leur explication au fin fond de notre histoire personnelle…
Pour se retrouver connecté à un monde imaginaire, complètement libéré de notre réalité sensible.
Tout entier absorbé par une idée fixe, devant laquelle plus rien n’existe, pour la pousser au bout de sa « logique » interne…
Et pour finalement en ressortir quelque temps plus tard, perdu et hagard, quand les effets hallucinogènes se sont estompés.

Sans trop se souvenir de l’endroit où on s’est rendu ni de ce qu’on y a dit ou fait
Et sans trop se soucier non plus des dégâts qu’on a pu faire, sur nous ou autour de nous pendant notre trip.

Sans être capable de se demander si ces moments d’euphorie ont pu inquiéter ou attrister ceux qui feraient preuve d’une trop grande empathie à notre égard.
Et qui commenceraient à se demander, en constatant à quel point nos délires se répètent avec insistance, si notre normalité ne se trouverait justement pas dans ces états régulièrement défoncés…?
Et s’il ne leur faudrait pas complètement revoir l’image qu’ils se faisaient de nous. En prenant conscience qu’ils s’étaient trompés sur notre compte et en commençant à s’éloigner, face à une situation ingérable qui se détruit à petit feu et qui court à sa perte.



Autre exemple, quand on se retrouve sous l’emprise d’un évènement particulièrement douloureux. Et qu’en même temps, on acquiert le statut de victime privilégiée, sur laquelle il faut veiller avec attention.
Celle à qui on pardonne volontiers des trucs qui ne l’auraient jamais été dans d’autres circonstances.
Celle qui se voit attribuer des droits qu’elles n’avaient pas quand tout allait bien.

Mais sûrement pas celui de vivre son mal-être comme elle aurait besoin de le faire !
Quand elle se trouve plongée dans un état second, mais cette fois sans l’aide d’aucune substance particulière. Dans une normalité qui celle-là, se doit d’être vécue comme exceptionnelle, temporaire et sous contrainte.

Moralité ?

Dans les faits, on peut constater une normalité que l’on peut soi-même s’autoriser à vivre librement, comme on le sent.
Et une autre sous contrôle, pour laquelle il faudrait avoir une autorisation spéciale. Un état de conscience soumis à des règles strictes, auxquelles il faut obéir sans discuter.

Euh… Autant dire que toute personne saine d’esprit et bien équilibrée ne pourra jamais y adhérer !
Y en a qui ont essayé…
Ils ont eu des problèmes…
C’est vous qui voyez…
Cela dit, on peut tenter, c’est très rapide.
Y a qui ont essayé…
Ils ont eu des problèmes…
C’est vous qui voyez.


Toi et moi, une très longue histoire

C’est par toi que j’ai appris à respirer… Et maintenant que tu n’y arrives plus, je ne peux pas t’y aider, comme tu l’avais fait à ma naissance.
Tout juste capable d’assister à une lente agonie, invalide et murée dans ton silence imposé.

Prisonnier d’un cauchemar dont il est impossible de me réveiller.
Prisonnier d’un monde, où personne ne peut te venir en aide. Où il est seulement possible de t’accompagner dans ton calvaire.
Prisonnier d’un miracle, auquel je ne peux pas m’empêcher de croire malgré tout. Et même s’il m’arrive de me juger le plus stupide du monde !

Alors que tout voudrait m’en dissuader, en m’obligeant à penser que ce n’est qu’une question de jours ou de semaines…
Que plus le temps passe, moins les espoirs sont permis.
Tout un lot de pluriels qui n’ont plus vraiment de sens ou plutôt, celui d’une voix sans issue !

On avait encore tellement à se dire toi et moi, tellement encore à s’apporter. Après l’avoir déjà tant fait, sans se soucier des lendemains.
Comme si on était là pour veiller l’un sur l’autre et qu’il ne pouvait rien nous arriver. Comme on l’a toujours fait, tout au long de notre vie.

Toi d’abord, en modèle d’exigence, de force et de détermination. Et moi en élève appliqué, soucieux de bien apprendre mes leçons, conscient que cela me servirait un jour.
Toi d’abord, en m’apportant tout ce dont j’avais besoin pour grandir. Et moi ensuite, pour t’épauler sur ton long chemin de vie.

Et puis… Un peu comme si, une deuxième fois pour toi et moi, on nous avait pris en traître, le malheur est survenu. Faisant la part belle au mauvais sort. Celui qui ne sort pas du chapeau d’un magicien. Mais créé de toutes pièces par des apprentis sorciers, qui se moquent de nos projets de vie. Pour décider à notre place, de ce qui est bon ou mauvais pour nous.

Et maintenant, te voilà réduite au silence, par une machine qui t’aide à survivre, en te détruisant de l’intérieur.
Condamnée par la médecine qui a décidé que tu étais trop âgée pour t’en remettre.
Et moi, suffisamment.
Tous les deux soumis au savoir très limité de soignants, qui font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils savent.

Chacun à notre manière, de toutes nos forces dans un combat perdu d’avance ?

Toi, victime d’une science qui se prétend toute puissante, mais qui est très loin d’avoir tout compris à la vie et à la mort.
Et moi, victime collatérale, priée de considérer qu’on a de la chance dans notre malheur… Que le destin aurait pu frapper avec beaucoup moins d’égards !

Un destin qui aurait pu frapper plus durement. Nous séparer brutalement, plutôt que de faire durer notre supplice. En essayant de nous faire croire à tous les deux, qu’un jour ça irait mieux, qu’un jour on pourrait se retrouver…
Ptêtre pas comme avant mais juste pour continuer un bout de chemin ensemble…
C’était trop demander ?

Il faut croire qu’il a préféré nous mettre à l’épreuve, à distance, chacun de notre côté. Comme s’il voulait tester notre endurance, en nous faisant souffrir chacun à notre manière…
Comme s’il nous fallait en passer par là, comme une épreuve imposée. Comme si on avait trop bénéficié de ses faveurs et que l’heure des comptes avait sonné.

En retirant chacun de la vie de l’autre, sans que personne ne puisse nous offrir quoi que ce soit en échange.
En te privant, toi surtout, de tout ce qui faisait tes joies, simples, modestes et toujours soumises à une infinie prudence…
Pour en arriver là, à aujourd’hui, quand chacun se demande quelles leçons il serait possible de tirer de tout ça ?

Sauf une seule ptêtre, celle de profiter de ceux qu’on aime, autant qu’on le peut, pendant qu’il en est encore temps !